En prison depuis presque cinq ans dans le Var et mis en cause dans un double home-jacking, Dylan F. est toujours en attente de jugement à la cour d’assises de Nice. Sa troisième demande de remise en liberté a été rejetée, alors que son procès n’est toujours pas programmé.

Par Manon Aoustin

Le 26 mars 2017, Paule C, 78 ans, se trouve chez elle à Cannes (Alpes-Maritimes) avec son aide-soignante et ses gardiens d’immeuble. Trois hommes cagoulés et armés notamment de pistolets automatiques font irruption dans son salon. Bousculée, cette septuagénaire donne le code de son coffre-fort mais ne se rappelle plus où sont les clés qui permettent de l’ouvrir. Les braqueurs se rabattent sur le contenu d’une armoire forte : 10 000 euros en liquide, des sacs et bijoux de luxe d’une valeur de 100 000 euros, les cartes bancaires au nom de la victime et un trousseau de clés.

Paule croit son calvaire terminé. C’était sans compter la ténacité de ses agresseurs. Le lendemain, un dimanche, alors que le fils et le petit-fils de Paule sont rentrés en urgence de la Côte d’Ivoire pour être à son chevet, deux des trois agresseurs de la veille se présentent à nouveau au domicile de Paule vers 22h30. Après avoir roué de coups le fils, ils s’emparent du contenu du coffre-fort : des bijoux estimés entre 50 et 100 000 euros. Un double home-jacking dans le même appartement.

Plus d’un an plus tard, le 3 avril 2017, plusieurs suspects sont interpellés, dont Dylan F. Mis en examen le 6 avril, ce récidiviste est écroué à la maison d’arrêt la Farlède, à Toulon (Var). Son ordonnance de mise en accusation (OMA) définitive est signée le 6 octobre 2020. Il est renvoyé pour plusieurs chefs, dont récidive de vol en bande organisée avec arme et séquestration arbitraire de moins de 7 jours. Il sera jugé par la cour d’assises de Nice. Selon la loi, le parquet a un an à compter de cette ordonnance pour faire comparaître l’accusé détenu, dans ce qui est désigné comme un « délai raisonnable ». En cas contraire, la détention provisoire est levée et le mis en examen relâché sous contrôle judiciaire ou avec un bracelet électronique en attendant son procès.

Une preuve de sa bonne conduite

Le 28 décembre, Me Morgan Daudé-Maginot a déposé une troisième requête pour faire libérer son client en attendant le procès, dont la date n’aura toujours pas été fixée au 15 mars d’après lui. DR

Mais le 6 octobre 2021, Dylan F n’a pas été relâché. Le 15 septembre dernier, une prolongation de six mois de détention provisoire pour motif exceptionnel est prononcée. Elle court jusqu’au 22 mars prochain. Les raisons invoquées ? Le Covid-19 et les « mesures prises par les pouvoirs publics pour prévenir de la propagation de ce virus », d’après l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Aix-en-Provence. Avec le premier confinement, toutes les audiences des mois de mars, avril et mai 2020 ont été renvoyées. Les tribunaux sont encore plus engorgés et les reports causent des délais rallongés. Me Morgan Daudé-Maginot, l’un des avocats de Dylan F, juge ce motif « fallacieux » parce que Dylan « a déjà souffert d’un rallongement à titre exceptionnel de l’instruction ».

Le 28 décembre, l’avocat a déposé une troisième requête pour faire libérer son client en attendant le procès, dont la date n’aura toujours pas été fixée au 15 mars d’après lui. « La cour d’assises de Nice a confirmé qu’elle serait dans l’incapacité d’audiencier ce dossier durant le 1er semestre 2022 », ajoute-t-il. La cour d’appel d’Aix-en-Provence nous a confirmé que « ce dossier n’est fixé dans aucunes des cours d’assises dans les prochains mois ».

La libération a pourtant encore été refusée. Le maintien en détention est jugé nécessaire notamment pour éviter toute « concertation frauduleuse ou pression entre co-mis en examen », sur les témoins ou sur les victimes. La défense rappelle à ce sujet que ces dernières sont « pour parties décédées », Paule étant morte en mai 2020. L’avocat de Dylan venait avec la preuve de sa bonne conduite en prison : une lettre d’un surveillant brigadier à la maison d’arrêt saluant le comportement du détenu, qui l’a secouru alors qu’il se faisait agresser par un autre prisonnier.

Me Daudé-Maginot a saisi la Cour de cassation pour demander la libération de son client, emprisonné depuis presque cinq ans. Avec ironie, il souligne qu’avec les remises de peine pour bonne conduite, si cet homme, « qui considère que la justice lui a menti », est condamné, il « aura presque fait la totalité de sa peine en préventive ».